Le Monde – 22.09.1998 Les syndicats hospitaliers appellent à une grève des urgences
SOUS-EFFECTIFS chroniques, statuts précaires et conditions de travail tendues sont à l’origine d’un nouveau mouvement des médecins urgentistes. Trois organisations syndicales, qui affirment représenter 90 % de la profession, ont appelé à une grève de 24 heures, à partir du lundi 21 septembre à 9 heures, dans les services d’urgences hospitaliers et les SAMU. Mais « les urgences seront assurées », ont précisé ces organisations en invitant l’administration à assigner en priorité le personnel non gréviste, y compris les praticiens hospitaliers des autres services. Selon ces syndicats, la totalité des 600 services d’urgences et les 300 SAMU – SMUR participent à ce mouvement.
Le mot d’ordre, annoncé fin août par l’Association des médecins urgentistes des hôpitaux de France (AMUHF), a été repris à leur compte par le Syndicat des urgences hospitalières (SUH) et le Syndicat national de l’aide médicale urgente (SNAMU). Ces organisations représentent les 2 000 à 3 000 urgentistes, dont 80 % de médecins vacataires, « souvent sans contrat de travail, avec des cadences de gardes à la limite de la sécurité », affirment-elles. L’Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT (UFMICT-CGT) s’est associée à la grève. Les deux principaux syndicats de praticiens hospitaliers (INPH et CMH) soutiennent le mouvement ainsi que le Syndicat national des jeunes médecins généralistes : ce dernier estime que les demandes « d’ouverture de postes de praticiens hospitaliers », de « revalorisation des statuts » et « d’amélioration des conditions de travail » doivent « concerner non seulement les urgentistes, mais aussi tous les médecins généralistes à l’hôpital ».
Si on ne traite pas le dossier de l’urgence, « toute la structure hospitalière risque de partir en fumée », a prévenu Marcel Viallard, délégué général de l’INPH (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers). « Cette-fois ci, on pose nos blouses, nous sommes vraiment en grève », a déclaré le président de l’AMUHF, Patrick Pelloux, rappelant que, le 16 janvier, les urgentistes avaient fait la grève des soins non urgents pendant une heure et assurant qu’ils n’ont rien obtenu depuis. « AUCUNE MESURE CONCRÈTE » Les urgentistes mettent en avant les « dangers » de leur statut précaire pour assurer « la continuité des soins ». Ils réclament la création de 1 500 postes de praticiens hospitaliers titulaires en cinq ans pour les services d’urgences. Pour le président de la CMH (Coordination médicale hospitalière), François Aubart, on est « à un point de non-retour » et le dossier des urgences doit être « la priorité des priorités ».
Aux problèmes spécifiques de l’exercice de leur profession, les urgentistes rajoutent celui de la baisse de leur démographie syndicale : « Demain, assurent les syndicats, nous n’aurons plus assez de médecins pour accueillir et aller secourir les blessés, car 5 000 à 8 000 urgentistes vont partir à la retraite dans cinq à huit ans. »
Ces médecins sont aussi confrontés quotidiennement à la précarité, aux patients sans couverture sociale, qui viennent chercher auprès d’eux soins et reconfort. Selon les chiffres de la Caisse nationale d’assurance- maladie, 9 millions de personnes ont été reçues en urgence en 1997, et la fréquentation est en augmentation régulière, entre 5 % et 10 % par an.
Déjà, en 1989, un rapport du Conseil économique et social soulignait le décalage entre les besoins et les moyens de la profession : « On peut légitimement s’interroger sur les raisons profondes qui font qu’à une époque où les compétences scientifiques ou techniques de l’hôpital sont unanimement reconnues on doit encore présenter la médicalisation des urgences comme un objectif souhaitable sans méconnaître les difficultés que la réalisation d’une telle ambition impose de surmonter », écrivait le rapporteur, le professeur Steg.
En mars 1998, un « formum des urgences », sous le patronage de Bernard Kouchner, secrétaire d’Etat à la santé, a établi « une synthèse sur les problèmes et les solutions proposées par les professionnels » . Mais, assurent les syndicats, « depuis, aucune mesure concrète n’a été constatée sur le terrain ».