Misère de la psychiatrie
Un seul chiffre montre la gravité de la situation : 40 % des postes de psychiatres titulaires ne sont pas pourvus dans les hôpitaux psychiatriques. Depuis des années les urgentistes dénoncent une situation inacceptable pour les patients atteints de troubles psychiatriques en indiquant que ces malades sont dans la rue ou en prison et sont complètement délaissés par le système qui n’a plus les moyens de les prendre en charge.
La situation est particulièrement critique pour les enfants avec régulièrement des délais de prise en charge à un an, voire plus. Il s’agit véritablement là de non-assistance à personne en danger. Un infirmier de l’hôpital de Roanne dans la Loire m’a récemment relaté un cas qui illustre parfaitement la gravité de la situation. Son équipe prend en charge un enfant et juge qu’il a besoin d’être hospitalisé au regard de la gravité de son cas. Son hôpital ne disposant pas de lits de pédopsychiatrie, il faut le transférer à Saint-Etienne à 90 km de là. Il l’accompagne donc en véhicule sanitaire et, surprise, les psychiatres de Saint-Etienne, contredisant leurs collègues de Roanne, jugent qu’une hospitalisation n’est pas nécessaire.
En fait, cette décision est motivée par le manque de lits. Ainsi, l’enfant va retourner dans sa famille avec une prise en charge ambulatoire inadaptée. Voilà une des conséquences tragiques du fameux « tout ambulatoire » prôné par le gouvernement qui ne sert qu’à accélérer les fermetures de lits pour des raisons budgétaires.
Les jeunes, notamment les étudiants, ne sont pas mieux lotis. Alors que plusieurs études montrent que 40% d’entre eux sont en souffrance psychique, les délais de prise en charge dans les structures ambulatoires ne cessent de s’allonger et les ruptures de suivi sont légion. Mais les autorités sanitaires ne sont pas à court d’imagination pour pallier au manque de moyens. L’ARS d’Ile-de-France promeut une expérimentation sur la thématique des « Premiers secours en santé mentale », visant à copier les « gestes qui sauvent » enseignés en secourisme. Il s’agit de former des centaines d’étudiants, d’acteurs associatifs et des collectivités territoriales pour soi-disant agir en prévention. Louable intention s’il s’agissait réellement d’accélérer une prise en charge des personnes en souffrance psychique par une détection précoce et un accompagnement, visant notamment à lutter contre leur exclusion et parfois leur stigmatisation.
En fait, quand on gratte ce vernis de bon samaritain, il s’agit de demander à des bénévoles avec 2 jours de formation de se substituer à un système défaillant. Il y a urgence à redonner des moyens au secteur de la psychiatrie car il faut rappeler que 25 % des français connaîtront un trouble psychiatrique au cours de leur vie et que les effets de la crise sanitaire et sociale représentent un enjeu préoccupant, notamment chez les plus jeunes.