Epuisement et abandon
Voici l’histoire et les propos de Marie, 27 ans cette année qui a obtenu son diplôme d’infirmière il y a 6 ans et depuis travaille aux urgences de son hôpital. Son métier, elle l’a choisi. Elle a aussi été enthousiasmée par les urgences lors d’un de ses stages et elle a immédiatement pris le poste disponible dans le service à la sortie de son école. Elle a beaucoup appris sur le tas, car elle s’est vite rendu compte qu’elle ne connaissait pas grand-chose après ses trois ans d’études et que l’expérience s’apprend auprès des collègues qui ont un peu de bouteille. Elle a appris que cela s’appelle le compagnonnage. Elle a trouvé ce terme sympa, qui lui a rappelé ses cours d’histoire au collège sur les compagnons du Moyen-Age qui construisait les cathédrales.
Bien sûr le travail n’est pas de tout repos, mais quelle satisfaction de voir l’amélioration de l’état d’un patient entré en situation de détresse et dont l’état s’améliore grâce à une prise en charge efficace de l’équipe. L’équipe, c’est ainsi qu’on s’appelle entre nous, l’équipe des urgences. Mais au fil du temps, cette équipe a perdu de sa cohésion. Tout d’abord, la direction de l’hôpital a supprimé les trois équipes – matin, après-midi, nuit – pour instaurer le travail en 12 heures. Malgré la pénibilité de ces plages horaires, les collègues ont majoritairement accepté car cela permettait de venir moins de jours dans la semaine et d’avoir plus de repos, même si la fatigue accumulée ne permet pas toujours de réellement en profiter. Mais bon, on est quand même à la maison. Beaucoup ont vite déchanté car du fait du manque de personnel, nous sommes très souvent rappelés pour assurer une quatrième plage de 12 h, ce qui fait 48 h au total. Quand on est de nuit, après nos 4 fois 12 h, on est vraiment décalqué. Et puis, il y a ce qu’on appelle les hospitalisations brancards. Ce sont les patients pour lesquels nous cherchons des lits en vain et qui restent alignés dans le couloir dans des conditions indignes et dangereuses car nous n’avons pas le temps de nous en occuper.
Alors, elle est en colère quand elle entend des politiques et des médecins dire à la télé que c’est la faute des patients si les urgences sont engorgées car ils ne viendraient que pour de la bobologie. Ceux-là, ce n’est pas le problème, ils repartent avec une ordonnance et bon vent. Le problème, ce sont les personnes âgées qui arrivent de leur EHPAD ou de leur domicile car il n’y a plus de médecin qui vient à domicile alors, quand cela ne va pas, on appelle les pompiers qui les amènent aux urgences.
Elle n’en peut plus de les voir attendre le médecin, puis un lit ou alors être renvoyé à domicile à 3 heures du matin sans que personne ne soit préoccupé s’il y avait quelqu’un chez eux pour les accueillir. Et puis, bon travailler la nuit avec une prime de 1,07 brut de l’heure, elle trouve qu’on se fiche vraiment d’elle.
Elle n’en peut plus, alors elle a décidé de jeter l’éponge et c’est décidé, elle va démissionner le 1er septembre. Cela ne sera pas simple car il y a la maison à payer mais bon elle fera un peu d’intérim avant de savoir si elle retrouve un poste plus tranquille ailleurs qu’à l’hôpital ou si elle ne change pas carrément de métier. En attendant, elle pourra au moins voir un peu plus souvent son fils et son compagnon.