La santé en question
Depuis le début du mouvement qui agite l’hôpital public, nous sommes nombreux à revendiquer le fait que l’avenir de notre système de santé soit une des questions au cœur du débat politique des élections présidentielles. De fait, alors que certains souhaitent faire de l’immigration et de la sécurité la priorité, les préoccupations des Français sont avant tout le pouvoir d’achat et la dégradation de l’accès aux soins. Depuis trop longtemps, la santé est restée très largement une affaire de spécialistes avec des organisations de professionnels de santé, notamment des médecins, trop souvent plus préoccupés par leurs actions de lobbying pour défendre des intérêts catégoriels que de répondre véritablement aux besoins de la population. Cette situation a permis aux politiques libérales de se développer depuis plusieurs décennies avec trop peu de résistances, les gouvernements jouant à merveille des divisions pour s’attaquer au service public et à la solidarité représentée par la Sécurité sociale.
La crise liée au coronavirus a été le révélateur de l’affaiblissement réel de notre système et a validé le diagnostic fait par tous ceux, professionnels et citoyens, qui luttent au quotidien pour défendre ici un service d’urgence, là un hôpital, qui réclament la formation et l’embauche de personnels, des augmentations de salaires, une régulation de l’installation des médecins, la fin des dépassements d’honoraires, qui protestent contre la hausse des primes d’assurance maladie complémentaire, etc.
Certains ont senti le vent tourner et, depuis peu, les tribunes et publications diverses fleurissent dans les médias et sur les réseaux sociaux. Dans un sens nous pouvons nous en féliciter, mais quand on y regarde de plus près il s’agit souvent de propositions de réformes largement axées sur des intérêts corporatistes, sans vision globale des besoins de réformes profondes. Oui, mais quelles réformes ?
Toutes les réformes ne sont pas forcément des progrès. Il s’agit ici de venir sur le terrain politique au sens noble du terme, c’est-à-dire celui des objectifs qui conditionnent les choix concernant la vie quotidienne des citoyens. Ce qu’il nous faut aujourd’hui discuter est de savoir si nous continuons à glisser vers un système marchand assis sur des assurances individuelles ou si nous imposons une autre logique, si bien exprimée par le slogan qui nous clamons haut et fort dans les manifestations : « La santé n’est pas une marchandise et l’hôpital n’est pas une entreprise ».
Ce débat est trop important pour le laisser dans les mains de ceux qui s’autoproclament « experts ». Il y a urgence à ce qu’un débat citoyen s’ouvre sur cette question.